lundi 23 juillet 2018

Affaire Alexia : le détail des trois versions de Jonathann Daval

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Combien d’épaisseurs revêt ce dossier criminel ? Une chose est certaine : au cœur des premières battues lancées le 28 octobre dernier sur les traces de « la joggeuse » Alexia Daval, dont la disparition avait été signalée par son mari Jonathann quelques heures plus tôt, il était impossible d’imaginer le millefeuille judiciaire et médiatique qui se dessinait alors.
Lorsque fin janvier, l’époux éploré avait fini par craquer, avouant le meurtre « par accident » de son amour de toujours, on pensait l’enquête globalement close. Et tout mystère éventé, à l’exception notable de la calcination du corps, niée par l’intéressé. Le 27 juin, Jonathann Daval est pourtant revenu sur ses déclarations, accusant son beau-frère d’avoir commis l’irréparable, et sa belle-famille d’avoir conclu un pacte de silence. Ces derniers ont vivement réagi, s'offusquant d'être ainsi mis en cause.
Un choc pour l’opinion publique, qui s’est immiscée sans retenue dans les rouages de cette sordide affaire. Le juge d’instruction et les gendarmes ont-ils eux aussi été désarçonnés ? Difficile, là, de l’affirmer. Bien sûr, des vérifications vont être menées, mais selon des sources proches du dossier, la parole si fluctuante de Jonathann Daval semble avoir perdu toute légitimité à leurs yeux. Surtout, aucune de ses trois versions - que nous livrons ci-dessous dans le détail - ne correspond aux constatations médico-légales effectuées sur le corps. S’il est convaincu de l’implication du mari d’Alexia, Me Florand, avocat des parties civiles, peine à croire qu’il a agi seul... Jusqu’à présent, les enquêteurs ont pourtant écarté toute complicité éventuelle.
Sauf énième rebondissement de cette nature, ou une très hypothétique confrontation entre le mis en examen et ceux qu’il accuse, il est à craindre que le futur procès aux assises se tienne sans autre élément probant que ceux déjà connus, même si les expertises psychiatriques sont attendues avec impatiences. Loin d’être facilitée par Jonathann Daval, « l’homme aux trois visages », la manifestation de la vérité s'annonce tortueuse. Et douloureuse.

28 octobre 2017 : le jogging fantôme

Toute la France a cru Jonathann, quand il explique qu’Alexia est partie courir ce matin-là. Dès le samedi, le mari est entendu deux fois par les gendarmes : à 12 h 22 quand il se présente à la brigade de Gray pour signaler sa disparition, puis vers 18 h. Il décrit le parcours de footing habituel. Il se confie aussi sur les soucis intimes du couple, le traitement médical que prenait Alexia pour ses difficultés à tomber enceinte, ainsi que les « crises » que cela provoquait parfois chez elle. Si, selon lui, une de ses crises a eu lieu le vendredi matin, expliquant les lésions visibles sur ses bras, la soirée raclette chez les parents d’Alexia a été calme.
« Elle s’est bien passée. Nous sommes partis vers 23 h 30, Alexia conduisait. En arrivant, elle a donné à manger au chat et fait une lessive. Moi, j’ai fait tourner un lave-vaisselle ». Couchés ensemble. Levés ensemble. « On a petit-déjeuné ensemble, devant la série télévisée’’The Grinder’’ », poursuit-il. Jonathann dit avoir vu sa femme « descendre le seau à compost », puis partir courir. Lui est vu partout à Gray, vaquant à ses occupations, sourire aux lèvres lors d'un bref passage à son entreprise, puis faisant mine de chercher son épouse, avec son beau-frère Grégory Gay. D'abord sur les routes, puis aux urgences de Gray. Il envoie également plusieurs textos à sa femme, pourtant déjà déposée, morte, dans une forêt voisine. 10 h 37 : « Je vais passer par le boulot récupérer l’imprimante pour notre voisin, ne m’attends pas pour la douche ». 10 h 42 : « Toujours en train de courir. Je vais au verre vider les cadavres que tu bois. lol. Bisous à toute à l’heure, je t’aime ». 11 h 04 : « Tu es rentrée ? Je vais arriver ». Alexia n’est jamais rentrée, ni même jamais partie. Durant trois mois, masque d’époux éploré sur le visage, Jonathann restera drapé dans ce tissu de mensonges.

30 janvier 2018 : les aveux en larmes

Coup de tonnerre. La veille, le mari d’Alexia a été interpellé et placé en garde à vue. Plusieurs auditions se succèdent. Les éléments incriminants - sa voiture qui a bougé durant la nuit fatidique, les traces de pneus relevées à côté de la dépouille d’Alexia, le corps recouvert d’un drap appartenant au couple - s’accumulent, la pression augmente, l’heure tourne… Soudain, Jonathann craque et avoue le meurtre aux enquêteurs. En pleurs, il renouvelle dans la foulée ses déclarations devant la juge d’instruction.
Voici quelques extraits : « Je n’ai pas voulu ce qui est arrivé, ce n’était pas volontaire. Elle a eu une crise extrêmement violente, j’ai voulu faire comme d’habitude, la serrer fort dans mes bras pour qu’elle ne me frappe pas et là, c’était vraiment très fort. On était dans la chambre, je l’ai mise sur le lit et maintenue contre moi, et sans le vouloir, je l’ai étouffée ». Il décrit la suite : « J’ai voulu vous appeler vous, les gendarmes, mais non, ce n’était pas possible. Je n’y croyais pas. J’ai espéré, je voulais qu’elle se réveille. Ensuite, je l’ai recouverte d’un drap par dignité. J’ai pris pas mal de cachets, et je l’ai déplacée le matin au réveil. » Dans la voiture. « Je savais qu’il y avait un tracker, mais je m’en foutais, je ne savais pas où j’allais exactement, j’ai tourné dans ce bois à l’improviste ». Où il a déposé le corps. « Je lui ai remis ses lunettes sur le visage. » Il explique avoir roulé encore, vite, sans réfléchir, « je voulais me foutre en l’air, mais c’était trop dur. Je suis désolé de vous avoir occasionné tout ce travail ». Le SMS envoyé depuis le portable d’Alexia à sa sœur à 9 h 13 ? « C’est moi qui l’ai rédigé ». Il renouvellera ces aveux le 9 mars dans le bureau du juge.

27 juin 2018 : le pacte familial

Placé en isolement, Jonathann Daval s’effondre psychologiquement et physiquement. L’administration pénitentiaire met en place un suivi psychiatrique attentif, et le mari d’Alexia finit par reprendre du poil de la bête. Courant juin, il exprime, via ses avocats, l’envie de parler au juge. Il livre alors une tout autre version de cette tragique nuit du 27 au 28 octobre 2017. La troisième.
À écouter Jonathann, le drame se noue cette fois au domicile des parents Fouillot. Alexia arrive la première de la piscine, encore en tenue de sport. Jonathann, lui, arrive en retard. Très vite, relate-t-il, Alexia pique une violente « crise d’hystérie ». Malgré les efforts de chacun, elle devient « incontrôlable », bousculant au passage l’enfant de sa sœur, Stéphanie. Des gifles volent. La situation part en vrille. Grégory Gay, le mari de la sœur, intervient alors qu’Alexia a quitté le salon. Des « cris » résonnent. Puis plus rien. Lorsqu’il revient, l’homme est blême, selon le récit servi par Jonathann, et avoue aussitôt avoir étranglé Alexia alors qu’il tentait de la calmer.
Panique générale, angoisse absolue. Tous les scénarios sont envisagés par les cinq adultes présents dans la maison. Fébrilement, dans l'improvisation totale, un pacte familial est scellé : on garde le silence. On invente cette histoire de footing. Stéphanie raccompagne Jonathann chez lui. Le lendemain, il dépose le corps de sa femme dans le bois d’Esmoulins et malgré son immense chagrin, se construit un alibi. Dans cette version, il nie toujours avoir tenté de brûler la dépouille d’Alexia. Alors qu’à une centaine de mètres de làhttps://www.estrepublicain.fr/actualite
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