mardi 10 mars 2015

Essais nucléaires en Polynésie : l'État va indemniser un technicien irradié

Le tribunal de Bordeaux a réclamé ce mardi l'indemnisation d'un militaire souffrant d'un double cancer après avoir participé aux essais nucléaires français du Pacifique sud.
Un ancien technicien irradié lors des essais nucléaires en Polynésie française dans les années 1970 a obtenu ce mardi par la Cour d'appel administrative de Bordeaux d'être indemnisé par l'Etat.

Dans son jugement, le tribunal a demandé au ministère de la
Défense de "faire une proposition d'indemnisation" pour Daniel Grossat, 72 ans, qui souffre depuis 1993 d'un cancer du cerveau et du système nerveux central qui l'a rendu tétraplégique, a précisé l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Daniel Grossat, résidant dans les Landes, a travaillé pour le ministère de la Défense sur l'île de Hao de 1970 à 1972 et celle de Mururoa de 1973 à 1975. Il travaillait comme dépanneur de radars. En première instance, le tribunal administratif de Pau l'avait débouté de sa demande.

La famille du militaire également malade
Durant l'audience en appel le 10 février, l'avocate de M. Grossat, Me Cécile Labrunie, qui plaide la plupart des dossiers de vétérans irradiés, avait rappelé que le local de travail de l'ex-technicien se trouvait tout près de l'aire de décontamination d'avions chargés de faire des relevés dans les nuages nucléaires. Elle avait également souligné que le militaire s'était déplacé lui-même sur plusieurs îles, dont certaines très polluées, pour effectuer des dépannages. Le rapporteur public s'était dit favorable a une indemnisation. Il avait notamment rappelé que M. Grossat avait, du fait de ses déplacements, bien subi et absorbé des particules radioactives, d'où la survenue de son cancer.

La femme et la fille de l'ex-technicien ont également subi à Papeete des retombées de nuages nucléaires, affirme Robert Adrot, délégué de l'Aven pour l'Aquitaine. La fille de M. Grossat souffre notamment d'un cancer bronchio-alvéolaire. "Cela nous conforte dans notre combat", a réagi ce mardi M. Adrot. En janvier, neuf vétérans irradiés lors des essais nucléaires menés dans le Sahara algérien et en Polynésie dans les années 1960-90 avaient déjà obtenu devant la cour d'appel administrative de Bordeaux d'être indemnisés par l'Etat. Huit demandes avaient été rejetées.
Un parcours du combattant pour les victimes
Au niveau national, une poignée seulement des quelque 850 dossiers déposés par des victimes a abouti à des indemnisations, en vertu de la loi Morin du 5 janvier 2010 régissant les indemnisations des militaires et civils exposés aux essais qui ont depuis développé des cancers ou d'autres pathologies notamment du sang. Depuis des années, les associations de victimes dénoncent l'inefficacité de ce texte. Néanmoins, un nouveau décret d'application de la loi, publié en septembre 2014, permet désormais à CIVEN (Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires) de gérer la question des indemnisations indépendamment du ministère de la Défense.
La Vème République a organisé au cours de son histoire quatre salves d'essais nucléaires, d'abord dans le désert algérien à Reggane (1960-1961) et in Eker (1961-1966), puis dans le pacifique sud, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa (1966-1974 et 1975-1996). Un total de 210 bombes nucléaires ont ainsi explosé en sous-sol ou dans la haute-atmosphère.

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