samedi 20 avril 2013

PIP : "J'ai été fabriqué, je suis le grand Satan" (Mas)

Un look de compagnon d'Emmaüs mais un propos assuré, un verbe précis. Sur les écrans géants de la salle d'audience du Parc Chanot, on ne voit que deux yeux perçants. Ceux de Jean-Claude Mas campé à la barre de la 6e chambre correctionnelle dans son blouson bleu et jaune.
S'embrouillant juste un peu sur les dates, il balaie sa vie professionnelle : vendeur de diamants, d'assurances-vie, de vin sur les foires... "J'ai toujours bien vécu". Le tournant se fait en 1982. Il rencontre les implants mammaires et le Dr Arion, chirurgien plasticien, inventeur de la formulation d'un gel de silicone, le futur gel PIP. Le prévenu de 73 ans expédie sa vie personnelle : "Je ne me suis jamais marié, j'ai eu deux enfants, un garçon, une fille".
Lorsqu'il parle de Poly Implants Prothèses, sa société créée en 1991, son regard pétille. Il prend plaisir à raconter cette success story, sa "silicon valley" à lui : l'ouverture à La Seyne-sur-Mer de "la belle fabrique de prothèses mammaires. Tout est nickel pour aller sur le marché américain". L'orgueil pointe : "Je suis le seul fabricant au monde n'étant pas américain à avoir vendu des prothèses sur le marché américain". Avant un tonitruant : "Français, go home !" en 2000.
Il défend son gel qui remplissait les prothèses. "Le gel PIP n'est pas homologué mais il est homologable. J'ai eu le temps de lire toutes les expertises en prison. Elles ne font que confirmer que le gel PIP est aussi biocompatible que le Nusil", le seul homologué. Aussi exprime-t-il sa part de responsabilité : "Tromperie oui ! Aggravée, ça veut dire quoi ? Dangereux toxique, non ! C'est pas vrai". À entendre le prévenu, sa formule serait même supérieure à celle de Nusil "au niveau cohésivité". Jean-Claude Mas n'a pas fait homologuer son produit : "Il me fallait un million d'euros pour une unité de production". Il estime avoir été diabolisé : "J'ai été fabriqué, je suis le grand Satan".
Alors, il a préféré transformer son secret de fabrication en un lourd secret de famille. Ses quatre coprévenus l'ont porté. Claude Couty, directeur général au salaire de 12 500 €, plus une berline allemande à 110 000 €, confesse "un problème réglementaire mais je n'ai jamais eu conscience du danger". - "Vous ne vendiez pas des savons ? l'interpelle le procureur Jacques Dallest. En 2008, PIP fait face à une flambée des ruptures de prothèses et vous ne vous posez pas le problème de la dangerosité du gel ? C'était une bombe à retardement, cette non-homologation". - "C'était... Dans l'entreprise comment dire... ce n'était pas mis en question", bredouille ce financier, qui assure avoir voulu améliorer les choses, repasser toute la production avec du gel Nusil. "Mais Jean-Claude Mas a créé la société. Il pense avoir la science infuse. Il n'écoute pas les conseils des autres".
Hannelore Font, jeune directrice qualité de PIP, reconnaît la tromperie,"mais ce gel est utilisé depuis dix ans sans aucun signe qui me fait penser qu'il est dangereux". Les pleurs de la jeune femme accompagnent les premiers mots d'excuse prononcés dans le prétoire : "Je m'excuse de ne pas avoir été à la hauteur. J'aurais voulu faire plus". En 2009, à quelques mois de la révélation du scandale, Hannelore Font avait refusé "la libération des lots". D'autres ont permis la sortie de l'usine des produits frelatés. Aucun n'a démissionné.
Face au directeur de production, Loïc Gossart, Jacques Dallest s'étonne qu'il n'existait pas de formulation écrite du gel PIP. "C'est un dosage à la louche, votre histoire", lance-il au jeune homme qui, comme Thierry Brinon, ancien directeur Recherche et Développement, ne se considèrent pas comme responsables. Où sont les autres, ses prédécesseurs ? "On était 120, Madame", lance-t-il à la présidente. Façon de désigner les absents.

http://www.laprovence.com/article/actualites/2319097/pip-jai-ete-fabrique-je-suis-le-grand-satan-mas.html

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