vendredi 19 avril 2013

Procès PIP : Mas parle de patientes "fragiles", un "connard" fuse en retour

Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, s'est vigoureusement défendu vendredi devant le tribunal de Marseille, assurant, devant une centaine de plaignantes attentives, n'avoir "pas fait prendre de risques" avec ses implants mammaires frauduleux.
Son témoignage était très attendu, notamment par les victimes. Jean-Claude Mas, fondateur de la société de prothèses mammaires PIP, a évoqué vendredi devant le tribunal correctionnel de Marseille la "fragilité" des clientes de la chirurgie esthétique, provoquant un brouhaha dans la salle. Beaucoup de ces femmes "ne sont pas bien dans leur peau", "sont fragiles", a-t-il dit, s'attirant un "connard" venu des sièges des victimes. Des rangs des plaignantes une question a fusé : "Et la reconstruction?" (ndlr : après un cancer). Il était interrogé par le procureur qui lui faisait remarquer que, lors de sa garde à vue, il avait qualifié les plaignantes de femmes "fragiles" portant plainte "pour l'argent".
Interrogé à la suite de ces propos par une avocate de parties civiles, il a  répondu que les cas de reconstructions à la suite d'un cancer étaient différents. Pour lui, avant 2010 et la médiatisation de l'affaire, il n'y avait "aucun problème" avec ses implants. Ensuite, "l'affaire est devenue médiatique, on a dit qu'il y avait de l'huile de vidange... Avec tout ça je comprends qu'elles (les porteuses, ndlr) soient mal, et je m'excuse de cette situation, mesdames". "Je suis devenu le grand Satan", a-t-il ajouté. "Pendant trois ans, je me suis laissé insulter, et croyez-moi, c'est pour les patientes".
"Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risques"
Avant cela, Jean-Claude Mas s'est vigoureusement défendu, affirmant n'avoir "pas fait prendre de risques" avec les implants mammaires frauduleux qu'il fabriquait. "Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risques", a déclaré à la barre le septuagénaire, jugé avec quatre ex-cadres de PIP pour "tromperie aggravée" et "escroquerie" pour avoir, dans les années 2000, rempli les prothèses d'un gel de silicone industriel non autorisé. "Le gel PIP n'était pas homologué mais il était homologable", a-t-il ajouté, dans un prétoire silencieux. "Au niveau cohésivité, je suis certain, j'affirme qu'il était supérieur au Nusil (le gel conforme, ndlr)", a-t-il répété, montrant parfois un léger agacement. Selon les autorités sanitaires, un quart des prothèses retirées des porteuses depuis le début du scandale étaient défectueuses (perspiration du gel, rupture des enveloppes), générant notamment des réactions irritantes.

Répondant à la magistrate, il a redit que oui, il s'estimait compétent pour proposer ce gel, en dépit d'un parcours professionnel divers, qu'il a décrit longuement : bac maths élém, vendeur d'assurances-vie, visiteur médical pendant dix ans, employé "dans les diamants" puis représentant en vins. "J'ai toujours bien vécu", note-t-il.

"Tous les salariés au courant"

Interrogé après lui, son ancien bras droit, Claude Couty, a admis avoir "permis la vente de lots non homologués". "Mais je n'ai jamais eu conscience du danger", assure-t-il, costume sombre et chevelure argentée. A propos de Mas, il souligne que "c'est un commercial et moi un financier assez strict". "Il pense avoir la science infuse (...) assez souvent on était en désaccord sur la gestion de l'entreprise", dit-il, devant Mas qui sourit. Puis vient le tour de la directrice de la qualité, Hannelore Font, entrée en 1999, à 22 ans, chez PIP. La frêle jeune femme rousse assure que dès 2004 elle pensait "que les choses pouvaient changer". Mais c'est en 2009 qu'elle bloque la sortie de lots. Très vite elle s'effondre. "Je tiens à m'excuser de n'avoir pas été à la hauteur, et je m'excuse auprès des patientes qui ont eu à souffrir de ça", sanglote-t-elle, obligeant la présidente à suspendre l'audience.

"Tous les salariés savaient". C'est ce qu'a affirmé un autre cadre jugé à Marseille pour "tromperie aggravée". Devant le tribunal, Loïc Gossart, 39 ans, directeur production de la société varoise de 2006 jusqu'à sa liquidation judiciaire en 2010, a affirmé que "100% des salariés, hors les commerciaux France, étaient au courant". "Je ne me considère pas pénalement responsable des faits qui me sont reprochés, en tous les cas pas plus responsable que d'autres" au sein de PIP, a-t-il déclaré, se disant en revanche très "touché moralement": "Je fais un travail avec un psy pour mieux comprendre". Il explique avoir pris conscience en 2007 du taux de rupture inhabituel des implants. Il raconte avoir alors eu "de gros soucis" avec le fondateur de PIP, Jean-Claude Mas, pour avoir contesté. "Nous n'avions aucun pouvoir car il fallait faire ce qu'il voulait. Il passait par d'autres si on ne faisait pas ce qu'il voulait", dit-il.
 

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